lundi, mai 03, 2004

Extrait de Tit-Coq :

De Gratien Gélinas.

«-MARIE-ANGE : Parle… je t'en supplie!
-TIT-COQ : Ce que j'avais à te dire, c'était clair et net… mais depuis que j'ai mis les pieds ici-dedans… Oui… Malgré moi, je pense à ce que ç'aurait pu être beau, cette minute-ci… et à ce que c'est laid… assez laid déjà sans que je parle. Mais s'il y a une justice sur la terre, il faut au moins que tu saches que t'es une saloperie! Une saloperie… pour t'être payé ma pauvre gueule de gogo pendant deux ans en me jurant que tu m'aimais. C'était aussi facile, aussi lâche de me faire gober ça que d'assommer un enfant. Avant toi, pas une âme au monde s'était aperçue que j'étais en vie; alors j'ai tombé dans le piège, le cœur par-dessus la tête, tellement j'étais heureux! T'es une saloperie! Et je regrette de t'avoir fait l'honneur dans le temps de te respecter comme une sainte vierge, au lieu de te prendre comme la première venue! (Sortant l'album de sa vareuse) Je te rapporte ça. Au cas où tu l'aurais oublié avec le reste, c'est l'album de famille que tu m'as donné quand je suis parti… Il y a une semaine encore, j'aurais aimé mieux perdre un œil que de m'en séparer. Seulement je me rends compte aujourd'hui que c'est rien qu'un paquet de cartons communs, sales et usés. Tu le jetteras à la poubelle toi-même! Maintenant, je n'ai plus rien de toi. À part ton maudit souvenir… Mais j'arriverai bien à m'en décrasser le cœur, à force de me rentrer dans la tête que des femmes aussi fidèles que toi, il en traîne à tous les coins de rue! »



Dans cet extrait de Tit-Coq, signé Gratien Gélinas, notre personnage principal rompt finalement avec la femme qu’il aimait, après qu’elle l’eut grandement déçu. Cet extrait se trouve ne plus appartenir à la littérature du terroir tout en étant un précurseur de ce qui va devenir la littérature urbaine et la littérature identitaire. En effet, Tit-coq ne sait plus trop ce qu’il va devenir de même qu’il n’a jamais su d’où il venait vraiment (c’est un bâtard orphelin). Son amour, tout ce à quoi il s’est accroché pendant la guerre s’est trouvé être de la caca, une illusion, de l’hypocrisie. Ces deux thèmes sont souvent traités dans ces types de littérature. Gratien, pour démontrer la rage de notre petit coq de s’être fait floué ainsi utilise un vocabulaire dépréciatif à souhait en étant assez sec et méchant avec Marie-Ange (« Une saloperie… pour t'être payé ma pauvre gueule de gogo pendant deux ans en me jurant que tu m'aimais. »). Ainsi, son couple, ou plutôt le couple qu’il aurait aimé créer a éclaté bien comme il faut. À la fin de cet extrait, nul doute que le coq ne voudra plus rien savoir de Marie-Ange.
De plus, le thème de l’identité est délicatement soulevé dans cet extrait à travers une sorte d’hyperbole métaphorique (« Avant toi, pas une âme au monde s'était aperçue que j'étais en vie; alors j'ai tombé dans le piège, le cœur par-dessus la tête…»). Bien sûr, il éxagère quand il dit que personne ne le voyait exister, bien sûr que si on a le cœur par-dessus la tête, c’est que l’on est un peu mort, mais bon, là n’est pas vraiment la question. Le fait est que Tit-Coq à le cœur brisé et qu’il se retrouve au même point qu’avant sa rencontre avec la jeunette. Seul, sans avenir, sans passé. Sans vie ?
Posons-nous la question et reflexionons en cœur pendant que je ferme le paragraphe.


À croire que je suis bon en français, hein?

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